[Planète Nagi] A bord du Rôdeur

Un étrange pressentiment.

Le Rôdeur, quelques mois auparavant.

Tapis dans l’obscurité de ses quartiers à bord du Rôdeur, vaisseau monde Nagai dont la construction remonte à plusieurs siècles, peu de temps après le premier contact des Nagais avec les Tof, Kai Leng méditait depuis déjà un bon moment. Il se prêtait souvent à cet exercice à son réveil et après s’être lavé, pour purger son esprit de tout sentiment et émotion qui pouvait éventuellement le perturber et altérer son jugement et sa concentration. Au fil des années, à force de refouler ses pensées, cela était devenu un jeu d’enfant pour lui et n’importe quel autre membre de son clan. Cela faisait plusieurs semaines qu’il n’avait pas eu de nouvelle mission et il avait du se contenter de ses occupations routinières (déjouer les attaques de ses frères de clan, parcourir la forêt environnante au sein de laquelle le Rôdeur s’était posé il y a plusieurs siècles pour ne plus jamais redécoller depuis, à la recherche de prédateurs à traquer et éliminer ou défier pour maintenir ses capacités au niveau optimal, s’entraîner à bord du vaisseau, etc…). A bien y réfléchir en réalité, c’était l’activité du clan tout entier qui était en baisse, seuls quelques Lin Kuei partis de temps en temps pour des missions d’espionnage ou d’élimination. Il faut dire que depuis que la Guerre de Libération avait commencé il y a trois ans, l’Alliance Nagai/Mandaloriens avait porté ses fruits et environ 65% de Nagi avait été récupérée. Les villes désormais pacifiées et libérées des Tofs se reconstruisaient petit à petit et s’adaptaient afin d’y accueillir les Mandaloriens. En effet, les Nagais avaient le sens de l’honneur et il était tout bonnement impensable pour ces derniers de demander à leurs alliés de partir comme ils étaient venus alors qu’ils avaient tant fait pour les aider. Malgré tout, les Lin Kuei n’avaient jamais daigné révéler ni leurs secrets, ni l’emplacement du Rôdeur, ni à leurs congénères, ni aux Mandaloriens. Ils préféraient faire perdurer ce qui avait assuré la sauvegarde de leur clan tous ces siècles. Les Lin Kuei, étant des Assassins, n’avaient aucune utilité dans la phase de reconstruction de la planète et la partie encore occupée était géographiquement très loin de leur zone de résidence.

Las de sa méditation, Kai Leng se leva et scruta sa chambre, comme si il la découvrait pour la première fois. Ses quartiers étaient, comme tous ceux des Lin Kuei, simples mais contenaient tout ce dont chaque occupant avait besoin, c'est-à-dire, un lit, une table avec un terminal portable holonet, une cantine pour y ranger ses vêtements, une autre pour y ranger son arsenal, une étagère pour y entreposer divers objets, et une partie salle de bain et sanitaires dans laquelle il y avait une douche, un lavabo, un miroir, un lave/sèche-linge, des sanitaires et une étagère pour y ranger ses produits d’hygiène corporelle. Un petit droïde silencieux, dépourvus de jambes mais équipé de propulseur à gravité et de bras voletait discrètement dans la chambre, s’occupant d’arranger le lit et ranger les affaires. Au fil des siècles, les Lin Kuei s’étaient modernisés au maximum, afin de gagner du temps en confiant à des droïdes le soin de s’acquitter des tâches ingrates (entretien et maintenance du Rôdeur et des divers appareils et véhicules acquis au cours des années, tâches ménagères, préparation des repas), bien que chaque membre du clan était capable de s’acquitter de tout cela si la main d’œuvre cybernétique venait à être dans l’impossibilité, pour quelque raison que ce soit, de remplir ses fonctions.

Kai Leng s’approcha de l’unique hublot rectangulaire de la pièce qui lui permettait de voir l’extérieur, à travers l’épais vitrail en transparacier. Dehors, l’unique paysage qui s’offrait à la vue de l’assassin était une vaste et dense forêt au sein de laquelle reposait le Rôdeur, entourée d’une couronne de pics et de montagnes. Kai Leng avait grandi en cet endroit de la planète, c’était là où il avait passé la plus grande partie de sa vie, jusqu’à ce qu’il fut apte à partir en mission. Il avait alors pu voir une grande partie de sa planète natale et avait même quelquefois quitté Nagi pour des missions plus éloignées, qui n’incluait pas toujours la guerre personnelle entre Nagais et Tof. Cela lui avait permit de découvrir l’existence de nombreuses planètes et espèces, certaines recommandables, d’autres, comme les Hutt, beaucoup moins, même si personnellement, il n’avait jamais eu à affronter ni ces derniers, ni leurs laquais. Ce genre de mission avait pour objectif de récupérer des ressources matérielles et autres, afin de permettre au clan de se moderniser et d’être auto suffisant. Pour ce faire, le Rôdeur abritait dans ses hangars divers vaisseaux cargos et de transport, passant pour des vaisseaux ordinaires afin de se fondre dans la masse, même si certains étaient plus ou moins bien pourvus de moyens défensifs. Le Rôdeur lui-même, était équipé de plusieurs tourelles et batteries laser, de lance torpilles et de missiles à concussion mais tout cet arsenal n’avait plus jamais servi depuis que le vaisseau monde s’était posé là où il réside actuellement depuis des siècles. Bien que les droïdes de maintenance entretenaient régulièrement le vaisseau, nul parmi les Lin Kuei ne pouvait avoir la certitude que tout cela était encore fonctionnel, pas même si le Rôdeur était encore capable de quitter l’atmosphère de Nagi. Peu importait. Après tout, les Lin Kuei avaient appris à s’adapter alors, s’il leur fallait trouver d’autres moyens de quitter la planète au cas où ils y seraient forcés, nul doute qu’ils en seraient capables. Les Lin Kuei avaient cette particularité qu’ils n’offraient pas leurs services, ils ne travaillaient que pour eux-mêmes et pour servir la cause des Nagais, pour accomplir le serment qui était à l’origine de leur création, mais jamais ils n’avaient proposé une seule fois leurs services en tant qu’assassins. C’est ce qui leur avait notamment permis de ne pas être repérés, malgré le fait que le Rôdeur n’était que très partiellement couvert par les arbres, la hauteur de ces derniers étant largement inférieure à la hauteur du vaisseau monde. Et les rares fois où ils avaient senti une présence potentiellement menaçante pour eux (des Tof qui s’étaient sûrement égarés du champ de bataille ou qui n’avaient rien de mieux à faire que d’explorer les parties non civilisées de Nagi par exemple), les assassins avaient vite fait d’éliminer cette source de problème et d’effacer toute trace, emportant les corps de leurs cibles infortunées très loin du lieu d’exécution pour ne pas attirer l’attention vers leur domaine.

Kai Leng resta longtemps, à observer l’extérieur, posant ses doigts sur le hublot en transparacier. Il avait une sensation étrange en lui, un étrange pressentiment, qui ne l’avait pas quitté depuis son réveil. Sa méditation l’avait apaisé mais sitôt interrompue, il ressentit à nouveau cette étrange sensation, la certitude que quelque chose allait se produire, quelque chose qui allait changer sa vie à jamais. Mais il ne pouvait pas interpréter ses impressions, il n’avait que ce pressentiment, il n’arrivait même pas à savoir si cela était de bon augure ou non. C’était très étrange, il était perturbé, une sensation qu’il n’avait pas ressentit depuis son plus jeune âge. Il avait besoin de réponses, il ne pouvait s’offrir le luxe d’être distrait par quoi que ce soit, il devait sa survie en grande partie à sa détermination, sa vigilance et sa concentration. Un seul moment d’inattention, une seule hésitation et tout pouvait basculer, d’autant plus que tous les jours, il subissait les attaques de ses frères au moins une fois dans la journée. Kai Leng par contre, attaquait rarement, ayant toujours considéré comme inutile ce genre de procédé. Quitte à aiguiser ses capacités, la faune locale de la forêt serait tout à fait capable de remplir ce rôle. De plus, ces joutes fratricides, parfois mortelles pour un ou plusieurs d’entre eux n’aidait pas à assurer la pérennité du clan et avait même tendance à réduire les effectifs, surtout, que les Lin Kuei n’avaient jamais dépassé les 300 en moyenne (conseillers et Grand Maître compris). Heureusement que les attaques létales étaient en général évitées, sauf contre lui. Mais il acceptait car telle était la loi du clan et telle était la volonté de son père, du Grand Maître… Le Grand Maître Leng. Pour n’importe qui, il aurait paru bizarre qu’un fils appel son propre père Maître Leng mais pas pour Kai Leng, qui avait été conditionné dès son plus jeune âge à ne pas tenir compte des liens de parenté. Même sa mère était appelée, Maîtresse, Maîtresse Leng. Elle aussi aurait pu aller très loin, gravir les échelons du clan, mais le destin en a voulu autrement.

C’était à l’époque où Fei Leng n’était encore qu’un Assassin du Lin Kuei et personne, pas même lui ne soupçonnait qu’il allait un jour prendre la tête du clan. Kai Leng, quant à lui, devait avoir une quinzaine d’années et n’était pas encore en mesure de partir en mission. Ce fut une mission particulièrement difficile mais cruciale à laquelle Fei Leng, son épouse Xiao Leng et d’autres assassins furent appelés. Il s’agissait de tuer plusieurs chefs de guerre Tof qui avait organisé une rencontre afin de se mettre d’accord sur une offensive commune contre une ville Nagai, devenue place forte et qui avait toujours résisté à l’envahisseur Tof. Non pas qu’une telle opération, qui avait déjà connu des équivalents par le passé, aurait pu être catastrophique pour la ville, mais c’était là une bonne occasion d’éliminer plusieurs personnages importants chez les Tof. Ce n’était pas le genre d’opportunité que laissait passer le Lin Kuei. Kai Leng ne su jamais ce qui s’était passé là bas, car seul le Grand Maître et ses conseillers recevaient les comptes rendus des missions. Tout ce que sait le jeune Nagai, c’est que deux tiers à peu près des assassins partis en mission rentrèrent, mais Xiao Leng ne faisait pas partie du groupe. Fei Leng s’était contenté d’annoncer froidement la nouvelle à son fils:

- Ta génitrice est morte en mission… Avec honneur!

Cette phrase, Kai Leng s’en souvenait encore comme si c’était hier. Pourtant, cela ne l’avait pas perturbé, il avait prit ça avec le détachement caractéristique de tous les membres de son clan, mais malgré tout, les paroles de son géniteur étaient restées gravées à jamais dans sa mémoire. Il n’avait jamais ressenti ni le chagrin, ni la perte de sa mère, ni le manque de sa présence, ni de mépris envers son père. Mais pour une raison qu’il ignorait, ce moment était gravé en lui, comme une marque indélébile, comme si cela faisait partie de lui.

Las de ce paysage immobile dont la seule preuve de vie était les arbres agités par un vent léger, Kai Leng fit volte face, enfila son masque d’assassin et quitta d’un pas ferme ses quartiers, pour se retrouver dans un large couloir sombre qui séparait deux rangées de chambres dont la sienne faisait partie. L’assassin savait qu’en quittant la sécurité de son domaine personnel, il s’exposait au danger mais c’était devenu depuis des années la routine. Plusieurs fois au cours de sa jeunesse, il avait bien faillit se faire tuer, si dans un ultime effort de volonté, il n’était pas parvenu à se sortir des griffes de ses agresseurs. Plusieurs fois il s’était fait rosser, mais il a toujours tenu, toujours eu cette détermination, cette froide force de caractère qui lui avait permit de supporter les blessures, de se relever et de guérir pour finalement en ressortir meilleur. Mettant ses sens en alerte, cela permit au jeune Nagai d’atténuer considérablement cet étrange malaise qui ne l’avait pas quitté depuis son réveil. Malgré cela, il était bien décidé à obtenir des réponses. Il parcouru donc le corridor métallique de la section résidentielle du Rôdeur.

Alors qu’il arpentait le couloir, Kai Leng arriva à hauteur d’une des portes des chambres des assassins, qui s’ouvrit sur sa droite. Au premier abord il ne semblait y avoir personne de l’autre côté du seuil, mais Kai Leng aperçu aussitôt les formes d’une silhouette, dissimulée par un générateur de champ de camouflage. La forme quasi invisible pointait déjà un objet long et effilé vers Kai Leng qui pu reconnaître une vibro lame Lin Kuei. Un nouveau et énième test de vigilance, à haut risque puisque l’assassin qui s’en prenait au jeune Nagai avait bel et bien l’intention de lui enfoncer sa vibro lame dans les entrailles. Kai Leng esquiva la lame qui frôla son torse et dans le même mouvement, envoya un coup oblique du tranchant de la main droite vers son confrère qui dévia l’attaque de son avant bras. Sans perdre de temps, Kai Leng frappa de son poing gauche le visage de son adversaire qui recula pour tenter de se mettre hors de portée d’attaque mais Kai Leng envoya rapidement un coup de pied direct dans le torse de l’assassin qui recula sous le choc, tenant fermement sa vibro lame. Le générateur de champ de camouflage de l’assassin se désactiva et révéla un homme habillé de manière identique à Kai Leng. L’assassin Nagai se remit rapidement des deux coups qu’il avait du encaisser et se mit en garde, vibro lame pointée vers l’avant, prêt à en découdre, mais Kai Leng n’avait pas envie de perdre son temps inutilement:

- Assez!

Les deux assassins du Lin Kuei se fixèrent pendant quelques secondes, à travers leurs masques inexpressifs:

- Il suffit mon frère! J’ai déjoué ton attaque surprise, n’ai-je pas réussi ton test?

- Certes.

L’assassin fit un moulinet avec sa vibro lame qu’il rengaina dans son fourreau, situé au niveau de ses reins. Les deux assassins se saluèrent et Kai Leng passa son chemin, aux aguets, pour prévenir toute autre éventuelle attaque.

Ces petits jeux n’amusaient vraiment plus Kai Leng, et depuis longtemps. Cela représentait pour lui une perte de temps et il trouvait cela à la fois stupide et agaçant. Mais le danger pouvait venir à nouveau, aussi, Kai Leng parcouru les couloirs du vaisseau avec une extrême prudence, ses sens aiguisés aux aguets. Fort heureusement, aucun autre Lin Kuei ne chercha à l’attaquer mais Kai Leng entendit de temps à autre des bruits de combat. Il ne fallait pas oublier que tout le monde ici était soumis à cette règle, même si Kai Leng était un peu plus mit à l’épreuve que les autres.

Kai Leng arriva, au bout de plusieurs minutes, à hauteur de la porte de la chambre du Grand Maître des Lin Kuei, Fei Leng, son géniteur. La porte était identique à celle des autres chambres, l’intérieur de la pièce aussi d’ailleurs, Kai Leng, pour y être entré plusieurs fois, le savait très bien. Il n’y avait pas de privilèges matériels chez les Lin Kuei, tout le monde disposait de ce dont il avait besoin, le minimum, mais rien ne manquait. Kai Leng sonna à la porte et la voix de Fei Leng résonna à travers l’interphone intégré, ordonnant simplement d’entrer. Kai Leng ouvrit la porte, entra dans cette chambre qui était pratiquement identique à la sienne et salua Fei Leng, qui était assis au milieu en position de méditation. Il ne portait pas son masque. Physiquement, Kai Leng ressemblait beaucoup à son géniteur et malgré les 20 ans de plus de ce dernier, le Grand Maître paraissait encore relativement jeune. Ses cheveux, coiffés comme ceux de son fils, étaient encore noirs, sa peau ferme et seules quelques fines ridules apparaissaient au niveau du sillon naseau génien et sur le côté extérieur de chaque œil. De part leur mode de vie à la fois modéré sur les besoins nutritionnels et athlétiques au niveau de l’entraînement, les Lin Kuei conservaient leur jeunesse très longtemps, même si leur espérance de vie naturelle était équivalente à celle d’un Nagai Lambda.

La voix calme de Fei Leng brisa le silence de la pièce qui régnait juste après que la porte de la chambre se fut fermée:

- Assieds toi!

Kai Leng, sans dire un mot, obéit et s’assit en face de son maître en position de méditation.

- Je t’écoute.

Kai Leng prit alors la parole, permettant ainsi à Fei Leng de reconnaître son interlocuteur:

- Maître. Avec tout le respect que je vous doit ainsi qu’à tous vos conseillers et à mes frères assassins et apprentis… Cessons ces joutes fratricides qui ont déjà coûté la vie à certains d’entre nous. Nous ne faisons que nous affaiblir…

Fei Leng leva la main pour faire taire Kai Leng.

- Ta lame est-elle bien affûtée?

Par cette question, Kai Leng voyait où le Grand Maître voulait en venir, mais par respect, il se contenta de répondre:

- Oui Maître, je l’affûte régulièrement afin qu’elle reste aussi tranchante que le jour où elle a été forgée.

- Donc, tu reconnais toi-même que pour que ton arme soit toujours aussi efficace, elle doit être entretenue de manière régulière.

- Oui Maître, sans cela, la lame s’émousserait, deviendrait beaucoup moins tranchante et perforante puis finirai par ne plus être utile.

- Donc, ce qui s’applique à ton arme s’applique aussi à chacun d’entre nous. Nos corps sont des armes, Kai Leng. Forgés depuis notre plus jeune âge, mais nécessitant un entretien constant. Si ton corps n’est pas régulièrement entretenu, tu risques de régresser. Certes, l’entraînement, les missions, les sorties dans la forêt environnante sont autant d’occasion et de possibilités de se maintenir à niveau, mais le fait de devoir rester aux aguets même à bord du Rôdeur, notre foyer, notre lieu de sécurité, nous permet d’entretenir nos capacités à temps plein, de manière optimale. Le Lin Kuei fonctionne comme ça depuis fort longtemps, qui suis-je pour changer les règles? Je suis le Grand Maître certes, le chef du Lin Kuei, mais mon devoir en tant que tel, est de perpétrer toutes les doctrines qui ont fait et font toujours l’efficacité, la survie et le succès du clan. Les morts dont tu parles ne doivent leur fin qu’à leur manque de vigilance ou de réflexes. C’est le destin, Kai Leng. Je pense que dorénavant, il est inutile de revenir sur ce sujet, n’est-ce pas?

Les choses étaient claires, Kai Leng devait se résigner à accepter cette règle jusqu’à la fin de ses jours. Il acquiesça donc de la tête pour signifier que le message était bien clair.

- Bien! Mais j’ai le sentiment que ce n’est pas la raison principale de ta visite, Assassin.

- En effet Maître. Depuis ce matin, je suis quelque peu… perturbé.

- Perturbé!? Qu’y a-t-il?

- Je ne sais pas Maître. Mes pensées sont confuses, j’ai comme une sorte de… pressentiment. Mais je n’arrive pas à comprendre, je ne sais d’où cela vient ni de quoi il s’agit. J’ai le sentiment que quelque chose d’important va arriver, mais je ne saurais vous dire quoi exactement.

- Hummm! C’est troublant en effet, mais pas anormal. Nous apprenons dès notre plus jeune âge à étouffer et refouler toute pensée, émotion ou hésitation qui pourrait nuire à notre concentration et qui pourrait nous causer préjudice, mais… Nous restons des êtres vivants avant tout. Nous ne sommes pas de simples armes sans âmes, il peut arriver que notre esprit fasse ressurgir ou surgir des émotions ou impressions longtemps refoulées… Ou bien des pressentiments, dans ton cas. Rien de bien alarmant je pense.

- Pardonnez-moi Maître, mais, je pensais que vous en sauriez un peu plus sur ce qui m’arrive.

- Et comment veux-tu que je le sache. Je suis comme toi, je n’ai pas le don de voyance, je n’ai aucune idée de ce que nous réserve le futur. Tout cela n’est peut être que dans ta tête, considère ça comme une épreuve. Bats toi contre cela, étouffe le, n’oublie pas que nous devons rester constamment aux aguets. Notre survie en dépend. Cela fait un moment que je n’ai envoyé personne en mission, peut être que ça vient de là. A part vos entraînements et tests quotidiens, il est vrai que nous sommes restés pas mal de temps inactifs. Cela dit, cela s’explique par la situation de la planète. La Guerre de Libération nous a tous fait parvenir à ce que nous n’avons pas pu faire en plusieurs siècles, le conflit s’éloigne, Nagi a de moins en moins besoin du Lin Kuei. Aujourd’hui, nos congénères Nagai et nos alliés Mandaloriens peuvent très bien se débrouiller sans nous. Ils n’ont certes pas nos capacités, mais ils sont tous des guerriers, ils n’ont pas besoin de nous.

- Mais à terme Maître, cela ne risque-t-il pas de devenir problématique pour nous? Si notre propre planète n’a plus besoin de nous, qu’allons nous faire, que pourront faire des personnes devenues inutiles? Nous ne savons faire que ce que nous avons appris depuis notre plus jeune âge.

- Oui, tu as raison, j’étais justement en train d’y réfléchir ces derniers temps. Je me pose depuis plusieurs mois les mêmes questions que toi, depuis que nous avons regagné du terrain en fait… Et cette discussion avec toi ne fait que confirmer mes craintes… Et l’importance de réunir tout le clan, ce que je compte faire cet après midi, après que tout le monde aura prit son repas...

En entendant ces paroles, Kai Leng sentit sa perturbation renaître en lui. Son pressentiment semblait donc petit à petit se justifier. Une réunion extraordinaire! Cela ne se produisait que très rarement. Fei Leng lui-même, n’en avait jamais fais en tant que Grand Maître.

- …Si tu n’as plus rien à faire ici, sors! J’ai à faire avant de convoquer le clan. Tu ferais mieux d’aller également faire tout ce que tu as à faire car je ne traînerai pas. Profites en pour méditer un peu, ne laisse pas ton esprit s’égarer dans des distractions quelconques. Au fil des années, tu es devenu le meilleur d’entre nous, cela implique de lourdes exigences pour toi. Pars maintenant!

Kai Leng se leva, salua Fei Leng et quitta la chambre de ce dernier, pour regagner la sienne. En chemin, il mit en pratique ce que lui avait conseillé le Grand Maître et focalisa son esprit sur son environnement, pour parer à toute éventuelle attaque d’un ou plusieurs de ses frères de clan.

Le retour à ses quartiers se passa dans le calme. La plupart des assassins devaient être dans les sections du vaisseau dédié à l’entraînement. Kai Leng, quant à lui, n’était pas motivé à aller rejoindre ses frères. Il préférait être seul et méditer. Arrivé dans sa chambre, seul lieu où il était sur de ne pas être testé par ses frères (cela était en effet une des règles du Lin Kuei, ne jamais attaquer un assassin dans ses quartiers), le jeune Nagai ôta son masque, verrouilla la porte d’entrée et se dirigea à nouveau vers la fenêtre en transparacier, regardant l’extérieur. Le décor n’avait pas changé. Il y avait toujours un peu de vent, le ciel était gris, chargé de nuages sombres, mais il ne pleuvait pas, pas encore en tout cas. C’était le milieu de la matinée, il ne s’était écoulé qu’un peu plus d’une demie heure entre le moment où il avait quitté ses quartiers pour s’entretenir avec Fei Leng et cet instant. Il contempla ainsi le paysage extérieur pendant quelques minutes, puis, là de cette vision et désireux de se débarrasser de ces pensées perturbatrices et indésirables, Kai Leng regagna le milieu de sa chambre et s’installa à nouveau sur le sol afin de méditer, pour retrouver sa sérénité quotidienne. Il voulait que son esprit retrouve la paix qui lui était familière.

Kai Leng se lança dans une profonde méditation. Son esprit s’en retrouva aussitôt apaisé alors qu’il luttait contre ses pensées indésirables. Il retrouva très vite sa sérénité, son combat intérieur n’étant qu’une formalité après tant d’années de pratique.

Lorsqu’il s’estima purgé de ses pensées perturbatrices, Kai Leng quitta cet état méditatif et consulta le terminal holonet posé sur la table de sa chambre afin d’y regarder l’heure. Il était resté en méditation presque une heure et la matinée touchait à sa fin. Se rappelant que le Lin Kuei tout entier allait être convoqué par le Grand Maître, cela voulait surtout dire qu’il était temps pour Kai Leng d’aller se restaurer. Il enfila à nouveau son masque d’assassin et quitta ses quartiers pour se rendre au réfectoire du vaisseau.

Comme d’habitude, Kai Leng prit soin de rester concentré sur son environnement, ses sens aux aguets, à l’affût de la moindre attaque éventuelle d’un ou plusieurs de ses congénères.

> 1, 2: Il ne se passe rien.

> 3, 4: Kai Leng est attaqué par un Lin Kuei.

> 5, 6: Kai Leng est attaqué par deux Lin Kuei.

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Kai Leng croisa pendant le trajet plusieurs de ses frères de clan, mais alors qu’il approchait du réfectoire, l’un d’eux, qui en revenait, croisa sa route et se jeta sur lui pour lui asséner une pique des doigts au niveau de la gorge. Kai Leng dévia l’attaque mais avant qu’il ne riposte, le Lin Kuei enchaîna une rapide série de coups de poings à hauteur du visage et du torse que Kai Leng réussit à parer tant bien que mal. Cet adversaire était très expérimenté et n’avait rien à envier au jeune Nagai. Mais Kai Leng était d’une rapidité exceptionnelle et c’est grâce à cela qu’il pu sortir indemne de cette déferlante de coups nombreux aussi rapides que précis.

Kai Leng réussit à repousser son attaquant afin de casser son enchaînement de coups et se jeta sur ce dernier afin de lui rendre la monnaie de sa pièce. Il tenta un coup de coude direct au plexus de l’assassin qui bloqua l’attaque. Dépliant brusquement le bras, Kai Leng enchaîna un revers de poing, visant la tempe de son adversaire qui bloqua cette seconde attaque. Mais Kai Leng ne se laissa pas décontenancer par cet échec et tenta un coup de poing direct vers les cottes du Lin Kuei qui dévia encore l’attaque et fit un léger bond en arrière pour se mettre hors de portée de Kai Leng qui, vif comme l’éclair, poursuivit son agresseur et entama la même série de coups de poings directs, rapides et nombreux, que l’autre avait tenté contre lui. Kai Leng alternait entre des frappes à hauteur du visage puis du torse et ainsi de suite. Son adversaire réussi à parer tant bien que mal les attaques dans un premier temps, mais Kai Leng ne lâcha pas et mit la pression en accélérant le rythme. L’Assassin se retrouva dépassé et ne pu contenir plus longtemps ce déluge d’innombrables coups qui finirent par lui percuter le visage et le torse. Heureusement pour lui, l’assassin portait comme Kai Leng son masque, dont la partie métallique le protégeait des blessures, mais pas des chocs cinétiques. Pliant sous l’enchaînement, l’assassin commença à basculer au sol en arrière, suivit par un Kai Leng qui n’en démordait pas. Ses coups de poings directs frappaient encore et encore le torse et le visage de son adversaire, alors même que celui-ci était étendu plaqué dos au sol, convulsant sous les coups, essayant vainement de se sortir de cette situation.

Alors que Kai Leng relâcha la pression, estimant avoir clos le combat, son adversaire réagit contre toute attente et envoya un coup de pied qui frappa le Nagai dans le dos, faisant basculer ce dernier vers lavant. Du sol, l’assassin se redressa et envoya une nouvelle série de coups au torse de Kai Leng qui, déséquilibré par le coup de pied, ne pu bloquer avec efficacité. Kai Leng du encaisser cette déferlante de coups, contractant ses muscles au maximum afin de limiter la casse. L’assassin termina son enchaînement par un uppercut qui, bien que sonnant quelque peu Kai Leng, lui permit en le jetant vers l’arrière de reprendre son équilibre pour effectuer un bond vers l’arrière, se poursuivant par un salto afin de se dégager de cette situation. L’autre, dans un effort de volonté, se redressa et se mit à nouveau en garde. Qu’à cela ne tienne, Kai Leng était prêt à rendre coup pour coup. Puisque son adversaire voulait continuer le combat, il allait être servit. Par ailleurs, Kai Leng avait du encaisser beaucoup moins de coups que son adversaire dont le corps et le visage étaient endoloris.

Profitant de cet avantage, Kai Leng se concentra et feinta ce dernier, faisant mine de lancer une attaque qu’il interrompit au dernier moment, alors que l’assassin s’apprêtait à parer. Au lieu de cela, Kai Leng enchaîna une balayette (un coup de pied bas circulaire pour faire tomber l’adversaire) qui déséquilibra le Lin Kuei. Cependant, ce dernier ne tomba pas et ne fut que déséquilibré, mais Kai Leng était déjà en train de lancer une nouvelle attaque. De son autre jambe, il envoya en effet un coup de pied circulaire à la tête de son adversaire qui ne pu éviter l’attaque. Il se prit le pied de Kai Leng à la mâchoire, heureusement protégée par la partie métallique de son masque d’assassin, mais le choc cinétique fut quand même assez fort pour le projeter contre la paroi du large couloir menant au réfectoire, paroi qu’il heurta de plein fouet. Kai Leng voulu en finir en se jetant sur son adversaire au moment où ce dernier heurtait de pleine face la paroi, afin de le frapper à l’arrière du crâne pour l’assommer, mais cet adversaire endurant réussi à réagir en envoyant un coup de pied qui heurta la poitrine de Kai Leng. Le souffle coupé en même temps que son élan, surprit par la vivacité de son adversaire qui avait tant subit, Kai Leng ne pu éviter le coup de poing qui frappa son visage, heureusement lui aussi protégé par la partie métallique de son masque. L’assassin enchaîna ensuite par une nouvelle grêle de coups au torse et au visage que Kai Leng du encaisser sans broncher. C’était le moment de vengeance de l’assassin Lin Kuei qui mit à son tour la pression, faisant subir à Kai Leng ce qui lui-même lui avait fait subir quelques secondes plus tôt. L’assassin enchaîna de la même jambe un double coup de pied latéral, le premier au torse et le second au visage. Kai Leng bascula en arrière, chancelant. Voyant qu’il était toujours debout, l’assassin se jeta à nouveau sur Kai Leng, effectua un coup de revers de pied sauté rotatif. Le coup fut d’une violence extrême et Kai Leng tomba au sol. Cette fois-ci, il était en mauvaise posture. Cet adversaire faisait partie de ceux qui pouvaient rivaliser avec lui sans peine et il venait de le prouver. D’un autre côté, il y avait bien longtemps que Kai Leng ne s’était pas retrouvé en si mauvaise posture. Il avait remporté tous ses duels contre ses frères de clans depuis déjà un bon moment sans aucune difficulté. Inconsciemment, il avait du se relâcher à cause de cela et aujourd’hui, il en réalisait les conséquences. Cela dit, l’heure n’était pas à la réflexion ni à l’autocritique car son adversaire l’attrapa par l’arrière de sa tunique afin de le projeter contre la paroi opposée de celle qu’il avait lui-même heurté. Kai Leng amortit le choc en mettant les deux avant bras en avant, de sorte que sa tête ne heurta pas la paroi en Duracier du corridor. Cela n’empêcha par contre nullement l’autre de le dominer de toute sa hauteur, prêt à le frapper dans le dos et à l’arrière du crâne. Kai Leng, sachant cela d’instinct, protégea l’arrière de sa tête avec ses deux avants bras (ses protèges avant bras en Duracier rempliraient parfaitement leur rôle de protection) et contracta les muscles de son dos afin de résister à cette déferlante de coups dont il ne pourrait se dégager, son adversaire l’ayant prit en tenaille entre ses jambes.

Comme prévu, le Lin Kuei se déchaîna avec force coups de poings sur le dos de Kai Leng, voyant bien qu’il était inutile de s’attaquer à la tête de ce dernier protégée par ses avant bras. L’assassin espérait sans doute clore le combat en frappant si violemment son adversaire qu’il finirait soit par abandonner, soit par perdre connaissance. Mais Kai Leng était lui aussi endurant, son entraînement lui avait permit, comme à tous les Lin Kuei, de résister à des douleurs extrêmes, chose très pratique contre la torture physique. Rassemblant sa volonté, Kai Leng tenu bon et encaissa les coups.

Il était à présent temps de démontrer à cet adversaire que, même s’il était très fort, il était loin de pouvoir battre Kai Leng qui avait encore de la ressource. Rassemblant toute la force de ses capacités à la fois physiques et mentales, Kai Leng pivota d’un mouvement sec son corps sur le côté, faisant plier la jambe droite de son adversaire qui perdit l’équilibre. Kai Leng en profita aussitôt pour envoyer violemment sa jambe vers l’arrière afin de porter un coup de pied dans le postérieur de son adversaire qui fut projeté contre le mur. Ce dernier, évita à sa tête de heurter la paroi en mettant en avant ses mains mais il était désormais déséquilibré et Kai Leng poursuivit son mouvement de pivot pour faire basculer son adversaire sur le côté. La douleur qu’il ressentait était intense mais pas pire que ce qu’il avait pu subir par le passé donc, largement supportable. Evitant de se focaliser sur sa douleur mais se concentrant plutôt sur son combat, il réussit à faire tomber au sol son adversaire. Kai Leng continua son mouvement de rotation, roulant sur le corps de l’assassin pour terminer par un violent coup de coude sur le haut de son crâne, là où il n’y avait aucune protection en Duracier pour amortir le choc. Ensuite, Kai Leng se releva aussitôt d’un bond, suivit de peu par son adversaire, surprit par ce revirement de situation et sonné par le coup. Kai Leng en profita pour asséner un triple coup de pied circulaire de la même jambe, le premier au niveau de la cuisse de l’assassin, le deuxième au niveau de ses cottes flottantes et le dernier au niveau de la tête. L’assassin tituba pendant que Kai Leng se jetait sur lui pour enchaîner une nouvelle série d’innombrables coups de poings au torse et au visage de son adversaire. La vivacité de Kai Leng, combinée à la surprise et au fait que l’assassin était légèrement sonné, empêcha ce dernier de bloquer ou dévier les attaques qu’il se prit de plein fouet, sont torse et son visage étant martelés de coups de poings directs, rapides et précis. Pourtant, ce dernier ne lâcha pas prise car, lorsque Kai Leng arrêta cet enchaînement pour tenter un coup de pied latéral au torse, le Lin Kuei, bloqua l’attaque et balaya la jambe d’appui de Kai Leng qui tomba au sol. Le jeune Nagai réagit très vite en se réceptionnant, mains en avant pour contre attaquer en repoussant son assaillant d’un coup de pied au torse qui, cette fois, atteint son but. Kai Leng se releva et se jeta à nouveau sur l’assassin. Pendant quelques secondes, les deux combattants échangèrent coups pour coups, tantôt attaquant, tantôt parant, certains coups passaient, d’autres étaient bloqués ou déviés. Le combat semblait voué à s’éterniser tellement les deux Lin Kuei récupéraient chacun leur tour l’avantage qu’ils avaient perdu. A ce stade là, l’issue du combat serait déterminée non pas par le plus rapide, ni le plus agile, ni encore le plus endurant car les deux duellistes se valaient physiquement, mais par celui dont le volonté de gagner serait la plus forte.

Le combat se poursuivit ainsi encore quelques instants, sans qu’aucun ne parvienne à faire la différence. Kai Leng était très éprouvé mais il était persuadé qu’il en était de même pour son adversaire. Le masque des Lin Kuei étant conçu pour dissimuler intégralement leurs visages, jusqu’aux yeux, il était impossible de pouvoir lire l’état d’esprit de chaque assassin, de savoir si ceux-ci souffraient, étaient en colère, exaltés. Leurs masques étaient à l’image de leurs porteurs, froids, inexpressifs, dénués de passions.

Kai Leng finit pourtant par surpasser son adversaire. Sa volonté implacable libéra son corps de ses contraintes et douleurs et il accéléra un peu plus le mouvement, devenant de plus en plus rapide et réactif, surpassant petit à petit son adversaire qui finit par se retrouver à nouveau sous le joug d’une grêle de coups de poings au visage et au torse, ainsi qu’au cou, aux épaules, aux bras. Après une dernière série de coups de poings directs au visage, Kai Leng conclut ce long enchaînement par un coup de pied latéral au visage de son adversaire, suivit par un revers de pied sauté rotatif à la tête, la même technique que l’autre avait employé plus tôt. Le Lin Kuei s’affaissa au sol, groggy mais encore à demi conscient. Les deux combattants étaient à bout de force et Kai Leng se tenait debout avec peine.

Espérant que cette fois ci la confrontation était terminée, Kai Leng contourna le corps de son frère de clan encore au sol, s’agitant faiblement, pour se diriger vers le réfectoire avec peine. Le Nagai prit alors conscience que ce combat épique avait attiré d’autres Lin Kuei qui étaient venus assister à la rencontre. Le groupe qui lui barrait la route du réfectoire s’écarta à son passage. Personne ne dit rien, ni ne montra quelconque émotion. Ce genre d’esclaffement n’existait pas chez les Lin Kuei et ça, même si ils avaient éventuellement apprécié le combat et reconnus les prouesses des deux combattants.

Il n’y avait pas grand monde dans le réfectoire, la plupart des résidents du Rôdeur ayant déjà ou n’ayant pas encore prit leur repas. Kai Leng prit un plateau et s’approcha du comptoir ou étaient disposés différents aliments et boissons variés (mais rien qui ne nuisait à la santé du corps) et se servit. Dans une salle en retrait de l’autre côté de ce même comptoir s’affairaient les droïdes cuisiniers qui préparaient les aliments. Le vaisseau monde était régulièrement approvisionné en nourriture, matériel, fournitures médicales et autres ressources nécessaire à la survie du clan par des Lin Kuei qui étaient chargé d’aller récolter tout cela dans les villes les plus proches, à bord de leurs navettes cargos. Ils allaient et venaient de ces villes dans la discrétion la plus absolue afin de ne pas être détecté, leurs réseaux d’approvisionnement étant bien montés. Les dirigeants Nagais des villes n’avaient jamais rechigné à les approvisionner en récompense de leurs efforts et dans la mesure de leurs possibilités depuis qu’ils s’étaient installés sur la planète il y a de cela plus d’un siècle. Au cas où une opération d’approvisionnement aurait mal tourné, ce qui n’est jamais arrivé, les Lin Kuei pilotant les navettes avaient des consignes pour éviter de mener tout étranger qui soit, même Nagai, au Rôdeur, dussent-ils périr pour cela.

Plateau en main, Kai Leng alla s’asseoir à une table au hasard, retira son masque et entama son repas. Pendant qu’il mangeait, il repensa à son combat ainsi qu’aux paroles de Fei Leng sur l’importance d’entretenir son corps autant que son équipement. Il est vrai que depuis quelques semaines, cette période d’inactivité l’avait poussé à légèrement se relâcher. Ses lésions et douleurs étaient la conséquence de ce relâchement. Il prit donc cela comme une mise en garde personnelle et se promit de ne plus relâcher son entraînement, ni même rechigner à se battre en duel contre ses frères de clan, si cela pouvait lui faire retrouver son plein potentiel et même le dépasser. Tout cela bien sur une fois qu’il serait passé par la section médicale du Rôdeur pour y recevoir quelques soins.

Mais pour l’heure, il se souvint également que tout le Lin Kuei allait être convoqué par le Grand Maître. Tout le Lin Kuei voulait dire lui également. Il se hâta donc de prendre son repas en quelques minutes, renfila son masque d’assassin et quitta le réfectoire, encore endolori, pour se diriger vers ses quartiers. Au moins, il allait être tranquille en chemin car aucun de ses frères de clan ne se rabaisserait à l’attaquer alors qu’il était déjà mal en point, même s’il tenait debout et était capable de se défendre tant bien que mal.

Arrivé dans ses quartiers, Kai Leng ôta à nouveau son masque et s’installa au sol pour méditer, attendant patiemment l’heure du rassemblement. Sa séance de méditation ne dura pas très longtemps car une annonce générale se fit entendre dans toutes les parties du Rôdeur:

<< A tout les Lin Kuei, rendez-vous immédiatement dans la Grande Salle… Je répète, à tous les Lin Kuei, rendez-vous immédiatement dans la Grande Salle. >>

Sans perdre de temps, Kai Leng alla se passer le visage à l’eau pour se rafraîchir, renfila à nouveau son masque d’assassin du Lin Kuei et quitta ses quartiers pour se rendre à la Grande Salle. Sa séance de méditation avait été trop courte pour qu’elle puisse lui être bénéfique et son corps était toujours endolori. Mais cela ne l’empêchait nullement de se déplacer.

Plusieurs minutes de marche plus tard au sein du niveau résidentiel du vaisseau, il prit un turbolift pour se diriger vers la section du vaisseau dédiée à l’entraînement du clan, là où se situait également la Grande Salle. Arrivé sur place, Kai Leng ne perdit pas de temps et prit un siège dans les premiers rangs, ceux qui étaient réservés aux Assassins confirmés, les Apprentis devant se contenter des derniers rangs. En face, sur une grande estrade, il y avait les sièges des Conseillers et du Grand Maître, au milieu, séparant ainsi une moitié de sièges de l’autre. La majorité des Conseillers ainsi que le Grand Maître Fei Leng étaient déjà là eux aussi. Comme il n’était pas question de commencer sans que tous les conseillers soient présents, Fei Leng attendit plusieurs minutes avant de commencer. Pendant ce temps, les Lin Kuei présents dans la salle attendaient en silence. Personne ne parlait futilement au sein du clan et le brouhaha habituel dans tout autre endroit de la Galaxie lors de tels rassemblement n’existait pas ici. Une fois que d’autres Assassin, Apprentis et que tous les Conseillers furent arrivés, Fei Leng se leva de son siège, s’avança au bord de l’estrade et prit la parole:

- Mes frères de clan! Il y a un peu plus de 200 ans naissait le Lin Kuei dans ce vaisseau même. Ce clan est né du désir profond d’en finir une bonne fois pour toute avec l’occupation Tof. Nous n’avons tous consacré nos vies qu’à la réalisation de cet objectif, nous entraînant sans relâche, dépassant nos limites. Pendant de nombreuses décennies, nous avons tués nombre de nos ennemis, remporté de nombreuses victoires. Nous avons tout sacrifié, nous n’avons jamais baissé les bras, tout cela pour parvenir à accomplir notre serment. Or, il semblerait que ce jour soit proche. Depuis bientôt trois ans, grâce à nos nouveaux alliés Mandaloriens, nous avons récupéré la majorité de notre planète. Les zones de conflit sont désormais très loin de nous, l’heure est à la reconstruction. Alors qu’en est-il aujourd’hui? Avez-vous déjà envisagé que vous seriez en vie pour voir Nagi libre? Vous êtes-vous déjà demandé ce que vous pourriez faire une fois que Nagi n’aurait plus besoin du Lin Kuei?

Fei Leng se tut, laissant à son auditoire le soin d’assimiler toutes ses paroles. Bien que la salle resta silencieuse, beaucoup de Lin Kuei, Conseillers compris, se regardaient dans les yeux, interloqués. Kai Leng quant à lui, fixait son géniteur, attendant que celui-ci parle à nouveau.

- Comme vous le savez tous, notre activité a fortement baissé depuis quelques semaines. Les départs en missions se font rares. C’est logique. Nos guerriers, aidés des Mandaloriens se débrouillent très bien… Notre serment va s’accomplir, mais après? Qu’allons nous faire? Nous ne savons faire que ce que nous avons appris. Nous ne sommes pas en mesure de participer à la phase de reconstruction de la planète. Nous sommes des tueurs, nous ne savons rien faire d’autre. Le Lin Kuei n’a pas sa place dans un endroit en paix…

Un des conseillers se leva et vint auprès de Fei Leng:

- Que veux-tu dire, frère? Tu penses que c’est la fin de notre clan? Notre fin?

- Non, mon frère! Ce que je veux dire, c’est que si nos compatriotes n’ont plus besoin de nous, nous ne pourrons pas assurer notre subsistance ici. Plus aucune ville ne nous fournira et nous n’aurons plus d’activité. Ce que je veux dire, c’est qu’il va falloir nous adapter au changement. Jusqu’à présent, nous sommes resté reclus sur notre planète, ne la quittant que pour les besoins du clan. Nous avons toujours œuvré bénévolement, sans demander de prime. Les seules contreparties étaient l’approvisionnement de nos ressources. Il va nous falloir changer cela aussi. Mes frères, Nagi n’a plus besoin de nous… Mais la Galaxie est vaste. La Galaxie aura besoin du Lin Kuei.

Tout commençait à s’éclaircir dans l’esprit de Kai Leng. Le pressentiment qu’il avait eu à son réveil, la discussion avec Fei Leng. Il sentait qu’il allait y avoir un grand bouleversement dans sa vie, cela dit, il était loin de s’imaginer que ce bouleversement s’étendrait au clan tout entier. Cette fois, on pouvait entendre des murmures dans la salle. La plupart étaient surpris, même Kai Leng. Mais tout le monde pensait que Fei Leng avait raison. Ils ne pouvaient pas rester là à ne rien faire, il leur fallait trouver une solution.

Un autre Conseiller, une femme cette fois, imposa le silence puis s’adressa à son tour à Fei Leng:

- Ô mon frère! Que proposes-tu? De quitter la planète à bord du Rôdeur et parcourir la Galaxie en tant que nomades?

- Non! Le Rôdeur n’a pas bougé depuis des décennies et les moteurs n’ont plus été entretenus depuis longtemps. Les seules choses dont nous sommes surs qu’elles fonctionnent sont tous les systèmes et machines qui nous servent à la vie à bord. Cela peut paraître dégradant au premier abord mais, ce que je propose, c’est que nous travaillions en tant que freelance, proposant nos services contre de l’argent. Nous avons certes une certaine somme de crédits à bord, mais ces crédits datent de l’époque où le Lin Kuei n’existait pas encore, nous ne les avons gardés qu’en cas de besoin. Cela dit, cette somme est loin d’être suffisante pour nous permettre de subvenir à nos besoins. Par conséquent, nous allons nous disperser en grande partie. Seuls les Apprentis resteront à bord pour poursuivre leur formation, sous le tutelle des Assassins et des Conseillers qui choisiront de rester à bord. Quant aux Assassins et aux Conseillers qui partiront, proposez vos services moyennant une certaine somme et envoyez-en une partie ici. Donnez ce que vous voulez, mais n’oubliez pas que le Lin Kuei a besoin de fonds. Ne soyez pas avares. De mon côté, en tant que Grand Maître du clan, j’ai des responsabilité, je ne quitterai donc pas le Rôdeur, ou alors très rarement. Il me faut également garder ici quelques conseillers et Assassins confirmés afin de poursuivre la formation des Apprentis. Que ceux qui désirent partir se fassent connaître immédiatement.

Sans même réfléchir à ce que pouvait impliquer son choix, Kai Leng se leva et s’avança vers l’estrade pour se compter parmi ceux qui désiraient partir. En vérité, il n’y eu que très peu d’Assassins qui se levèrent, moins de la moitié. Même les Conseillers restèrent tous en retrait. C’était logique, beaucoup, par prudence, par peur du changement et de l’inconnu ou pour d’autres raisons, préféraient rester ici, sur Nagi. Et puis, il y avait le fait que même si la Guerre de Libération avait permit de reprendre la majorité de la planète, il restait encore une zone non négligeable encore sous occupation Tof. Cela dit, Kai Leng avait cette envie soudaine de partir, il sentait que son destin l’appelait ailleurs. Et puis, il ne s’inquiétait pas pour la libération totale de Nagi, elle finirait par arriver. Au total, moins d’une centaine d’Assassins étaient désireux de quitter Nagi.

Une fois que le calme fut revenu, Fei Leng imposa le silence avant de reprendre la parole:

- Chacun de vous a décidé. Très bien. Je vais donc d’abord m’adresser à ceux qui veulent partir. Nous allons fournir des vaisseaux à quelques uns d’entre vous mais très peu car nous avons besoin de moyens de transport pour continuer à approvisionner le Rôdeur et emmener ceux qui auront des missions à accomplir dans la zone occupée de Nagi. Vous pouvez donc être plusieurs à occuper certains vaisseaux, de toute façon, dans certains cas, il n’y a pas le choix, un minimum de membres d’équipage est requis pour certains d’entre eux. Nous allons devoir prendre le temps qu’il faut pour annoncer à tout Nagi notre changement de méthode. Nous allons en profiter pour récupérer des contrats que nous vous proposerons d’entrée. Cela risque de prendre un peu de temps, quelques mois le temps de nous organiser. Vous allez donc rester à bord pendant ce temps. Vous en profiterez pour vous entraîner intensément, je veux que vous soyez les meilleurs afin que la Galaxie connaisse et craigne le Lin Kuei, qu’elle compte avec nous.

Quant aux autres maintenant, ceux qui ne veulent pas partir. Vous allez continuer vos tâches habituelles à ceci près que c’est certains d’entre vous qui allez vous occuper de parcourir la planète afin de faire connaître nos intentions. D’autres s’occuperont des vaisseaux et véhicules, avec les Droïdes, je veux le matériel parfaitement opérationnel. Les missions d’approvisionnement ne doivent pas non plus être mises de côté et enfin, ceux qui veulent se concentrer sur la zone encore occupée de Nagi, faites vous connaître. Ah oui, à partir de maintenant, plus de tests de vigilance, ni de combats sauf dans les salles d’entraînements et à l’extérieur du vaisseau. Vous pourrez vous y provoquer en duel, vous tester, faire tout ce que vous voulez en compensation mais plus ailleurs et ça, jusqu’à nouvel ordre. J’espère être clair! Bien, je pense avoir tout dis. Quelqu’un a-t-il quelque chose à dire?

Fei Leng se tut et patienta un moment, attendant une quelconque intervention mais personne ne se manifesta. Il y avait quelques murmures dans la salle mais à par cela, rien d’autre. Fei Leng déclara donc la réunion terminée. Kai Leng ne saura jamais si l’annulation des tests de vigilance était une acceptation de Fei Leng à sa requête ou si c’était pour ne pas perturber le bon déroulement du nouveau planning. Peu importait, il était désormais débarrassé de ce désagrément, mais il n’avait nullement l’intention de se relâcher pour autant. Comme il se l’était promis, il allait redoubler d’efforts pour être encore meilleur. Il allait donc passer ses journées à s’entraîner, que ce soit dans le Rôdeur ou dans la forêt environnante. Mais pour l’heure, il était temps d’aller à la section médicale afin de se refaire une santé et se reposer pour le reste de la journée afin de pouvoir commencer dès le lendemain à s’entraîner.

Les mois qui suivirent furent très chargés pour Kai Leng et les autres Lin Kuei. Redoublant d’efforts, les Assassins passaient la majeure partie de leur temps en salle d’entraînement, dans la forêt environnante, devant les consoles holonet afin de se familiariser à la Galaxie qu’ils allaient parcourir très bientôt et à l’apprentissage de diverses compétences qui leur serait utiles comme le pilotage, la mécanique et d’autres savoir faire. Chacun ne s’accordait qu’une seule journée de repos par semaine. Kai Leng exigea beaucoup de lui-même pendant tous ces mois, afin de dépasser encore ses capacités, repousser ses limites. Cela lui valu de nombreuses visites à la section médicale, il manqua même de trouver la mort face à un grand prédateur de la forêt. Le combat fut perdu mais il réussi malgré tout à s’en sortir vivant. Désireux de prendre sa revanche, il s’entraîna encore et encore, provoqua ses frères de clans en duel, tantôt remportant de belles victoires, tantôt subissant de cuisantes défaites, mais rien n’entama sa forte volonté. Quelques semaines plus tard, il retourna dans la forêt afin de traquer ce prédateur qui avait faillit lui prendre la vie. Se souvenant de l’endroit de la confrontation, il attendit son ennemi sur son propre territoire. La bête ne tarda pas à se manifester, le combat fut épique, incertain au début. Mais Kai Leng était déterminé et meilleur que la dernière fois. Le combat fut long et épuisant, mais cette fois-ci, le Nagai en sortit vainqueur, laissant derrière lui le cadavre ensanglanté du monstre. Satisfait de sa victoire, l’Assassin ne se relâcha pas pour autant et continua de plus belle afin d’affûter ses capacités à mains nues, au maniement de la lame, des armes de jets ainsi que l’art de l’infiltration.

Plusieurs mois plus tard, Kai Leng avait atteint l’objectif qu’il s’était fixé, c'est-à-dire, ne plus perdre un seul combat contre ses frères de clans qui étaient pourtant eux aussi devenus plus forts. La discipline qu’il s’était imposé avait porté ses fruits, il se sentait prêt à parcourir la Galaxie, représenter le Lin Kuei, faire subsister le clan. Malgré cette satisfaction qu’il avait de lui-même, il ne relâcha pas pour autant ses efforts. Il avait en effet l’intention de poursuivre son entraînement jusqu’à ce que le Grand Maître annoncerait le jour du départ.

Le jour qu’attendait Kai Leng arriva. Alors qu’il était sur son terminal holonet en train d’approfondir ses connaissances en culture et histoire galactique, l’annonce retentit dans tout le vaisseau:

<< A tout les Lin Kuei, rendez-vous immédiatement dans la Grande Salle… Je répète, à tous les Lin Kuei, rendez-vous immédiatement dans la Grande Salle. >>

Le jeune Nagai se leva, enfila son masque d’assassin et se dirigea immédiatement vers la Grande Salle, là où attendaient déjà le Grand Maître ainsi que quelques Conseillers et une grande partie des membres du Lin Kuei. Plusieurs dizaines de minutes plus tard, alors que tout le monde était là, le Grand Maître Fei Leng prit la parole:

- Frères et sœurs Lin Kuei, comme vous le devinerez sans doute, si je vous ai convoqués aujourd’hui, c’est pour vous annoncer que tout est prêt pour ceux qui veulent partir remplir des contrats. Nos vaisseaux et véhicules ont été soigneusement entretenus et remis en état. J’ai d’ailleurs assuré aux Nagais non Lin Kuei qui ont bien voulu nous rendre service que nous les récompenserions rapidement. Concernant les contrats, nous avons obtenu les coordonnées de différents canaux dans lesquels plusieurs missions sont proposées, par diverses factions ou des indépendants. Sinon, il y a d’autres missions, proposées par moi ou bien les Nagais non Lin Kuei. Comme vous le devinerez, cela concerne uniquement des missions contre ces chiens de Tof. Ils sont affichés sur cet écran. Libre à vous de choisir ceux qui vous conviennent, les plus rapides étant les mieux servis. Mais avant cela, il est temps pour vous de choisir votre vaisseau et de quitter la planète. Une dernière chose, une fois que vous serez indépendants, nous continuerons de vous communiquer tous les contrats que nous trouverons et ce sera à vous de les valider ou non. En dehors de ça, trouvez d’autres contrats par vous-même. Faites honneur au Lin Kuei, notre réputation garantira notre succès et notre survie.

Fei Leng activa l’immense écran holonet de la Grande Salle et y afficha une liste de divers contrats de missions proposés par le Lin Kuei et le peuple Nagai. Kai Leng n’y prêta qu’une furtive attention car il préférait quitter son monde natal pour parcourir la Galaxie. Même s’il restait un Assassin, il était temps pour lui d’apprendre d’autres choses sur lui-même, son côté vivant, ce qu’il aime, ce qu’il n’aime pas. Il fut tiré de ses pensées par le Grand Maître Fei Leng en personne:

- Kai Leng, tu m’accompagne!

- Oui, Grand Maître!

Les deux Lin Kuei quittèrent la Grande Salle pour se diriger vers le hangar où était parqués les vaisseaux destinés à ceux qui allaient quitter le Rôdeur et Nagi. En chemin, Fei Leng brisa le silence:

- Kai Leng… Ces derniers mois, j’ai pris beaucoup de libertés, peut-être même plus que mes droits de Grand Maître me l’autorisaient mais, la situation a évolué, tu le sais, nous le savons tous.

- Oui Grand Maître!

Kai Leng répondait avec son détachement habituel mais était intérieurement perplexe. Il était évident que Fei Leng cherchait à lui dire ou lui avouer quelque chose:

- Kai Leng… Mon fils… Je sais que le Lin Kuei a pour règlement de couper tout lien de parenté et affectif mais, nous ne pouvons continuer de vivre comme des machines organiques. Le Lin Kuei doit s’adapter pour survivre mais les Nagais qui le composent doivent aussi changer quelque peu pour… vivre…

Derrière son masque inexpressif, Kai Leng était troublé. Jamais jusqu’à maintenant Fei Leng ne l’avait appelé son fils. Cela fit naître en lui un torrent d’émotions qu’il n’avait pas ressenti depuis son plus jeune âge. Il était à la fois heureux, troublé, mais aussi perplexe dans le sens où cela risquerait de nuire à son efficacité et le moment ne semblait pas opportun.

- Je…Je comprends Grand Maître… Père. Mais est ce vraiment le moment de parler de ça?

- Il n’y a pas de bon ou de mauvais moment, Kai Leng. Nous vivons dangereusement, plus que quiconque, nous ne savons pas de quoi sera fait demain. Tu es là aujourd’hui, peut être ce soir seras tu mort, ou moi. Je ne voulais pas manquer l’occasion de pouvoir te dire que tu as toujours fait ma fierté, mon fils. Tu n’as jamais cessé de t’entraîner durement, d’accomplir tes tâches avec efficacité. Tu ne t’es jamais laissé décourager par tes échecs, ni même par la mort de ta mère. Je ne te l’ai jamais dis, ni à personne mais, nous nous aimions beaucoup elle et moi, sincèrement. Mais nous ne pouvions nous permettre d’afficher de telles marques d’amour ou d’affection devant les autres, cela n’aurait pas été perçu d’un très bon œil.

Fei Leng prenait un risque en avouant tout ceci à Kai Leng. En effet, il ne pouvait savoir si son fils approuvait ou désapprouvait. Fei Leng avouait ni plus ni moins avoir désobéit au Lin Kuei tout entier. Sa position de Grand Maître ne le mettait pas à l’abri d’une sanction si cela se savait. Pourtant, il avait confiance en son fils:

- La mort de Xiao Leng m’a brisé. Les premiers jours qui ont suivi, je les passait un la pleurer chaque fois que j’étais seul. Sans mon entraînement mental, je ne sais pas combien de temps j’aurai mis à m’en remettre. Ce fut très dur. Elle était fière de toi tout comme je le suis mon fils, elle t’aimait tout comme je t’aime.

Kai Leng n’en revenait pas. Lui qui croyait son père si impassible, si détaché, il se rendait compte à quel point il s’était trompé tout ce temps. Mais cela fit naître en lui à la foi de l’admiration et du respect pour Fei Leng qui avait non seulement réussi à surmonter cette difficile épreuve mais n’avait jamais rien laissé paraître de ses sentiments. Il méritait d’autant plus sa place de Grand Maître aux yeux de Kai Leng.

- Que s’est-il passé ce jour là? Comment est-elle morte?

Fei Leng n’était pas surpris de la question posée par son fils. Intérieurement, il avait toujours su que Kai Leng voudrait savoir, qu’il était bien plus attaché à sa mère qu’il ne le laissait paraître:

- C’était une mission assez difficile, mais pas plus que d’autres que nous avions effectué. Il s’agissait de tuer plusieurs Chefs de Guerre Tof qui se réunissaient pour élaborer leurs stratégies afin d’attaquer une de nos villes. Nous étions une quinzaine sur cette mission, choisis par le Grand Maître de l’époque. Les cibles étaient bien au moins une dizaine, mais évidemment, ils étaient tous accompagnés de leurs meilleurs gardes personnels. Nous y étions préparés, ce n’était pas la première fois que le Lin Kuei faisait ce genre de mission. Cela dit, les Tofs sont également de grands guerriers, même si nous les haïssons, force est de reconnaître leurs aptitudes. Nous nous sommes introduits dans la place forte qui servait de point de rendez-vous. Au début, ce fut facile, les gardes qui patrouillaient à l’extérieur furent vite éliminés, sans bruit. Nous passâmes ensuite par les conduits de ventilation, manœuvre classique. Il n’y avait pas de défense à l’intérieur des conduits et il n’y en a en général jamais. Par contre, les grilles étaient renforcées et conçues de telle manière qu’il nous était impossible de tuer nos ennemis en lançant nos shurikens. Il allait falloir y aller au corps à corps. La salle était pleine. En plus des Seigneurs de Guerres, il y avait bon nombre de gardes, le combat se promettait d’être rude et nous savions déjà que certains d’entre nous allaient y rester. Il nous a fallu défoncer les grilles pour pouvoir sauter sur l’ennemi. Le peu de temps qu’il nous a fallu a été suffisant pour révéler notre présence et permettre aux Tofs de sortir leurs épées, leurs blasters et donner l’alerte. Pour nous avantager, une fois les grilles défoncées et alors que les Tofs commençaient à tirer, nous détruisîmes toutes les sources d’éclairage de la salle. Profitant de l’obscurité, nous fondîmes sur l’ennemi, tuant indifféremment nos cibles comme leurs gardes. Deux d’entre nous étaient déjà morts à ce moment là. Lorsque nous nous sommes assurés que tous les Seigneurs de Guerre étaient morts, il nous fallait quitter au plus vite ce piège dans lequel nous étions mais il restait de nombreux Tofs aux alentours et la perte de leurs chefs ne les avait en rien démoralisés. La seule issue le plus sure était de fuir par les conduits que nous avions empruntés pour nous introduire dans la place mais cela n’allait pas être facile car les guerriers étaient déjà entrés dans la salle et nous étions submergés. Chacun d’entre nous avions fort à faire et nous étions tous séparés les uns des autres. Heureusement que l’obscurité partielle nous conférait un certain avantage, d’autant plus qu’il n’était plus question pour les Tofs d’utiliser leurs blasters, au risque de blesser ou tuer des leurs. Les premiers d’entre nous réussirent à bondir pour atteindre les conduits et nous aidèrent en lançant leurs shurikens contre l’ennemi. Quant à moi, j’essayais de rejoindre Xiao Leng car je ne voulais pas partir sans elle mais elle était submergée et blessée, bien que toujours combative. Elle m’ordonna de partir tant que je le pouvais. Je ne pouvais laisser mes sentiments tout compromettre et bien que cela me peina intérieurement, je sautais pour gagner l’un des conduits. Je fit tout ce que je pu pour l’aider à se tirer de là en lançant mes shurikens, mais il ne restait plus qu’elle et deux autres Lin Kuei en bas, submergé par une marée d’ennemis. Mes efforts et ceux de nos autres frères ne suffirent pas. Nos trois camarades tombèrent les uns après les autres, ta mère fut la deuxième à rendre l’âme, non sans avoir prit un grand nombre de vies ce soir là. Nous étions quinze à partir pour cette mission, nous fumes dix à rentrer. Du point de vue du clan, la mission était un succès, les pertes acceptables. Mais pour moi, la perte de Xiao Leng était terrible, mais il me fallait passer outre. Et même si je te parle de tout ça aujourd’hui, je continue d’avancer car je n’ai pas le choix. Mais une partie de moi est morte ce jour là. Tu es tout ce qu’il me reste, Kai Leng. Néanmoins, tu restes un Assassin, un Lin Kuei et moi aussi. Je ne chercherais pas à te préserver plus que les autres. Ce que je ressens pour toi ne rentre pas en ligne de compte, fais ton devoir comme les autres, vis tant que tu dois vivre et meurs lorsqu’il le faudra. Tu sais tout à présent. Elle est morte avec honneur. Puissions nous tous en faire autant.

Kai Leng avait toujours voulu savoir comment cela s’était passé. Même si son entraînement lui avait permit de ne pas trop s’attacher à ses parents, ni même de ressentir la perte de sa mère, il avait toujours voulu savoir, il se sentait libéré du poids de cette ignorance. Mais en même temps, cela fit naître en lui les mêmes sentiments envers sa mère qu’il éprouvait à l’égard de Fei Leng depuis ces dernières minutes.

- Merci père… Grand Maître. Merci pour tout. Et je ne vous faillirai pas Grand Maître, je vous le promet.

- Je n’en doute pas mon fils, je n’en doute pas. Nous arrivons. Encore une fois, j’outrepasse mes droits en me permettant de favoriser un frère de clan mais, je t’ai réservé le meilleur vaisseau que nous avons acquis ces derniers mois.

En effet, alors que la discussion se terminait, les deux Lin Kuei étaient arrivés au niveau de la grande porte menant vers le hangar à vaisseaux du Rôdeur. A l’intérieur, il y avait divers vaisseaux et véhicules de toutes marques et catégorie, allant du chasseur ou intercepteur monoplace au vaisseau cargo. C’est vers l’un de ces vaisseaux cargos, un YT-1300 que se dirigea Fei Leng, suivit de Kai Leng.

- Voici le vaisseau que je t’ai réservé, Kai Leng. Tout ce que je sais, c’est qu’il appartenait à un convoyeur de marchandises qui a fait escale sur Nagi, dans une ville pas très loin d’ici. Il était censé ne rester que trois jours, mais au bout d’une semaine, comme il ne s’était toujours pas manifesté, les autorités spatioportuaires l’ont bloqué pour suspendre les frais de parking. Vu qu’au bout d’un pois le propriétaire n’était toujours pas réapparu, les autorités l’ont déclaré « vaisseau fantôme » et se le sont acquis. J’ai appris tout cela car j’étais parti moi-même en quête d’un bon vaisseau pour toi. Le destin m’a mené au bon endroit, au bon moment. J’ai négocié avec le gouverneur de la ville. Il nous connaît, nous avons souvent aidé cette ville par le passé, lorsqu’elle était sous occupation Tof. J’ai également négocié avec eux pour que leurs meilleurs techniciens remettent le vaisseau et tout ce qu’il contenait à neuf. Il est parfaitement opérationnel mais il ne possède que ses paramètres d’usine, ce qui en fait un piètre vaisseau pour les combats de grande envergure ou de longue durée, tu devra faire des modifications, c’est un conseil. Alors qu’en penses-tu?

Décidément, cette journée était pleine de surprises. A présent voilà qu’on lui faisait un cadeau, chose que Kai Leng n’avait jamais connu auparavant. Bien que troublant, cela ne lui déplaisait pas, d’autant plus que ce vaisseau avait une belle allure extérieure. Il était de forme arrondie, avec deux excroissances à l’avant au milieu desquelles était situé le cockpit, légèrement en hauteur.

- Il est magnifique, Grand Maître.

- Tu m’en vois ravi, Kai Leng.

Disant cela, Fei Leng activa la rampe d’embarquement qui descendit dans le sifflement caractéristique à ce genre de vaisseau. Le Grand Maître invita son fils à monter à bord et lui fit visiter ce vaisseau qui ne possédait plus de nom, pour le moment. L’intérieur semblait ne pas avoir subit de modification pat rapport à ce qu’il était sous l’ancien propriétaire du vaisseau. En fait, à part les marchandises et les biens personnels de l’ancien propriétaire, tout était présent, même un landspeeder qui dormait dans une des soutes. Le véhicule avait lui aussi été restauré de façon à être opérationnel. La couleur du landspeeder ne plaisait guère à Kai Leng mais ce n’était qu’un détail qu’il modifierait dès que possible, avec la couleur du vaisseau par extension.

Intérieur du vaisseau de Kai Leng.

- Bien, à présent que tu as tout vu, cela te convient-il mon fils?

- Oui père, c’est parfait.

- Bon, tant mieux! Ah oui. Comme tu l’as constaté, tu ne bénéficiera pas des services auxquels tu jouissais ici. Je parle d’assurer la maintenance de ton vaisseau, de préparer tes repas. On ne peut se permettre de nous séparer de nos droïdes et drones. Voilà pourquoi je tenais à ce que tous ceux qui vont partir, toi en l’occurrence, appreniez certaines compétences qui vous seraient utiles. Après, libre à toi d’acquérir ton propre personnel et de modifier ton vaisseau à ta convenance mais n’oublie pas la part du clan dans tes gains. Tu restes au service du Lin Kuei, nous aurons besoin de tes dons. A présent, avant que tu ne partes, il reste quelques formalités à régler, comme lui attribuer une nouvelle immatriculation et un nouveau nom. On ne m’a pas dit comment il était appelé avant, cela n’a aucune importance, il est à toi désormais.

Un seul nom s’imposait dans l’esprit de Kai Leng. Une seule évidence.

- Très bien, a partir de maintenant, ce vaisseau qui est le mien grâce à vous s’appellera le Xiao Leng, Père. Pour rendre hommage à ma mère et honorer sa mémoire et sa mort.

Fei Leng fit un signe de tête d’approbation, bien que derrière son masque d’assassin, il était impossible de savoir s’il approuvait réellement cette initiative.

- Très bien. Je dois donc faire connaître le nom de ton vaisseau aux autorités de la ville qui se chargeront de l’immatriculer et de donner tous ces renseignements au système de recensement galactique. Profites en pour rassembler toutes tes affaires et les charger à bord du Xiao Leng. En attendant que tu sois prêt à partir, je vais m’assurer que tout est prêt pour tes frères et sœurs de clan. Préviens moi lorsque tu seras prêt, je resterai dans le hangar.

Une heure plus tard, Kai Leng avait rassemblé toutes ses affaires dans ses deux cantines, s’était assuré que ses quartiers à bord du Rôdeur étaient bien vides et était parti avec ses affaires vers le Xiao Leng. il gagna immédiatement ses quartiers à bord de son vaisseau et prit le temps de vider le contenu de ses cantines afin d’y ranger dans les armoires et sur les étagères ses tenues de rechange et ses armes. Il rangea ses deux cantines vides dans la salle secrète adjacente à se chambre. L’intérieur de ce compartiment sans hublot n’était que faiblement éclairé par une lumière rougeâtre. Le compartiment n’était pas très grand mais suffisamment spacieux pour permettre à Kai Leng de méditer et faire des exercices.

Une fois toutes ses affaires rangées, Kai Leng sortit du Xiao Leng et se dirigea vers son père qui supervisait le départ des autres Lin Kuei. Tous ses frères de clans étaient prêts à partir, regroupés autour de Fei Leng. Le Grand Maître donna à Kai Leng et aux autres un comlink.

- Voici pour chacun d’entre vous votre comlink avec votre canal personnel. Toute personne qui aura votre canal pourra ainsi vous joindre via votre comlink ou bien les systèmes de communication de vos vaisseaux et vous pourrez en faire de même avec vos contacts.

Le Rôdeur par contre, ne possédait plus de canal de communication depuis longtemps. C’était une mesure de sécurité afin d’éviter que d’éventuelles communication fussent interceptées et qu’elles puissent remonter jusqu’au Lin Kuei. L’inconvénient majeur était que pour pouvoir communiquer avec le Rôdeur, il faudrait rejoindre le vaisseau, mais les Lin Kuei s’en était jusque là toujours accommodés.

- Bien, vous êtes tous prêts à partir, vous savez tous ce que vous avez à faire. Faites honneur au Lin Kuei afin de nous faire une réputation dans la Galaxie qui nous permettra d’assurer la subsistance du clan. N’oublier pas de nous donner une part de vos gains, vous restez des Lin Kuei au service du Lin Kuei avant tout. En dehors de ça, commencer à prendre le temps de vivre votre vie, nous ne sommes plus de simples assassins sans âme. Il est temps d’apprendre à apprécier ce que nous offre la vie. Mais ne vous relâchez pas pour autant, rester au maximum de vos capacités, améliorez vous. Allez-y maintenant, faites nous honneur.

Les Lin Kuei répondirent comme un seul homme « Oui, Grand Maître! ». Chacun gagna son vaisseau. Kai Leng quant à lui, fut accompagné de son père, pour savourer un dernier moment ensemble avant ce grand voyage. N’étant pas seuls car entourés de Lin Kuei qui s’affairaient à leurs tâches, ils se gardèrent des grandes effusions, ce n’était pas dans leurs habitudes de toute façon. Ils se contentèrent de paroles chaleureuses et des rappels de Fei Leng sur le fait de faire valoir le nom du Lin Kuei dans la Galaxie.

Après tout cela, Kai Leng monta à bord du Xiao Leng, activa la fermeture de la rampe d’embarquement gagna le cockpit et s’y installa à la place du pilote afin de mettre en marche le systèmes du vaisseau. Cette tâche ne fut pas difficile car le jeune Nagai avait passé ces derniers mois, entre autres activités, à apprendre et parfaire ses compétences de pilotage et même si son niveau restait basique, il était tout à fait capable de piloter son vaisseau et d’en assimiler les commandes.

Le Xiao Leng quitta le hangar du Rôdeur et gagna l’orbite de Nagi.

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